Analyse de la décision du Conseil constitutionnel sur la réception des candidatures et les règles de contrôle des parrainages
La décision n°1/E/2023 du Conseil constitutionnel fixant les modalités de réception des dossiers de déclaration de candidatures et les règles de fonctionnement de la Commission de contrôle des Parrainages, en vue de l’élection présidentielle du 25 février 2024, apporte des clarifications pertinentes et des corrections utiles sur les lacunes du Code électoral.
1 Les candidatures sont déposées du 11 au 26 décembre 2023 conformément à la période énoncée par la Constitution. La Conseil décide de ne pas appliquer le tirage au sort pour déterminer l’ordre de dépôt des candidatures (article 1er). NB. La règle consistant à déposer la liste des parrainages au moment de la notification du nom et, éventuellement, du titre de la coalition ou de l’entité indépendante n’est pas applicable à l’élection présidentielle.
2.Le tirage au sort portera uniquement sur la détermination de l’ordre du contrôle et de la vérification des parrainages. En vertu de l’article 7, la date, l’heure, le lieu et les modalités du tirage au sort sont fixés par le Conseil constitutionnel. Ce contrôle démarrera à l’issue du dépôt de candidatures, en présence des représentants des candidats.
Nous considérons cette décision plus cohérente dans la mesure où elle donne la possibilité au candidat de choisir librement le jour pour faire acte de candidature dans l’intervalle de temps prévue par la Constitution. En outre, le véritable enjeu attaché à l’antériorité du dépôt des candidatures réside au fait que cet ordre chronologique détermine l’ordre de contrôle et de vérification des parrainages. C’est la raison pour laquelle nous avions estimé que le tirage au sort n’est pertinent que lorsqu’il fixe l’ordre de contrôle des parrainages. Le Conseil a résolu cette problématique.
3. Le Conseil fait une distinction entre l’entité regroupant des personnes indépendantes et le candidat indépendant.
Il y a lieu de noter que la Constitution en son article 4 « garantit aux candidats indépendants la participation à tous les types d’élection dans les conditions définies par la loi ». Ce n’est qu’à partir de 2017, que la notion « Entité regroupant des personnes indépendantes » a été introduite dans le code électoral pour signifier candidat indépendant. Or, si ce terme peut être approprié pour les élections de listes, il ne saurait traduire parfaitement le cas du candidat indépendant. De plus, la Loi n° 2023-13 du 02 août 2023 portant révision de la Constitution dispose en son article 29 que : « Les candidatures sont présentées par un parti politique ou une coalition de partis politiques légalement constitué ou par une personne indépendante ». En reconnaissant la capacité de candidater à la fois à l’entité indépendante et à la personne (candidat indépendant), les juges ont corrigé une lacune du code électoral.
4. Le point le plus crucial dans la décision des Sages est contenu à l’article 7, alinéa 1er qui dispose : « les dossiers incomplets pour absence de l’une des pièces exigées à l’article L.121 du code électoral et les dossiers n’ayant pas obtenu le minimum de parrains requis ne sont pas pris en compte dans les opérations de contrôle des parrainages ».
En l’absence d’une telle mesure et face à la multitude de candidats à la candidature, il serait très probable, à l’issue du tirage au sort de l’ordre de contrôle, que des candidatures ne remplissant pas les conditions minimales, portent préjudice à d’autres plus sérieuses si le système de vérification devait tenir compte de l’ensemble des listes de parrainages antérieurement traitées comme ce fut le cas lors de la dernière présidentielle. Le risque d’enregistrer de nombreux doublons externes serait énorme avec même une cinquantaine de candidatures sur plus de deux annoncées !
Il convient, dès lors, d’admettre que le Conseil a pris ici une décision d’une grande portée sur les modalités de contrôle des parrainages qui réduirait considérable la présence de doublons internes.
5. Le Conseil a également tenu à rappeler le caractère optionnel du parrainage. Dès lors, « nul n’est admis à déposer des parrainages par les citoyens et par les élus, ou à substituer, dans le cadre de la régularisation, un mode de parrainage à un autre ». De plus, l’article L.57 nouveau dispose que « dans une élection, un électeur ne peut parrainer qu’un (01) candidat ou une liste de candidats et qu’une seule fois » et il résulte des modalités de vérification pour chacune des trois options du parrainage que les juges ont précisé que nul ne peut parrainer à la fois en tant que électeurs, député et chef d’exécutif territorial (maire ou président de conseil départemental) voir les articles 9, 10 et 11 la décision n°1/E/2023.
L’article 14 traite des procédures de régularisation déjà clarifiées par le code électoral et les articles 15 et 16 abordent le système de contrôle automatisé, notamment les caractéristiques du logiciel développé par le service informatique du Conseil constitutionnel. A ce propos, il y a lieu d’espérer que le logiciel de contrôle et de vérification sera présenté aux candidats ou à leurs représentants.
Par Ndiaga SYLLA, Expert électoral